Pegasus
Vernissage de l’exposition
Paris, 7 septembre 2012.
Espace Culture – Mémoire de l’Avenir
Pegasus
Poèmes de Colette Leinman
Avec ta crinière paresseuse
juste bonne à semer des ombres.
T’as même pas d’écailles ni de crocs,
de cornes ou de griffes.
Il te reste à peine la fuite,
et encore sur courtes pattes.
Sans oeillères, sangle ni cravache
et autres décors de spectacle,
rose, suspendu dans l ‘espace,
un cheval s’élance à vif
au ras d’une vie tendue.
Sur un âne arrivera le Messie – aveugle
sans doute car les aveugles voient mieux-
et humble surtout, dans le fragile du tout
la main prise ou bien accrochée
à l’encolure du pinceau.
L’autre cherche à calmer la plaie
Inspecter le corps de l’extérieur
comme un alphabet de rechange,
une panoplie pour jours de fête.
en pente raide, de la croupe à la tête,
des tactiques de vie d’avant-garde,
et d’y croire jusque dans les sabots
Depuis la trahison des automobiles
se préparer à une reconversion possible :
cheval de Troie ou hippocampe de cirque.
Dans mes rêves je me prends pour Pegasus,
n’empêche, jamais statue équestre
avec général retraité sur piédestal,
sabre au bras altier et pied levé au ciel
Et après
quand on aura mangé ma chair
et fait sécher ma peau
on fera des brosses
et même des pinceaux.
Alors d’honorables artistes
me peindront pour leur postérité
mais on dira de moi quel bel étalon.
Avec ma peau rouge bonbon
et ma crinière au long cou
j’ai de quoi rendre jaloux les grands lions
qui rugissent dans les steppes sauvages
Le cheval n’est pas un cochon
ni chèvre ni mouton du reste.
Mais comme eux au petit matin
Raffole de rafales d’avoine
J’ai un cheval dans mes étables
sans flonflon, ni heure de gloire
Allez enfants
L’impatience des naseaux
au passage des mouches
frémit
Sous mes écailles de peinture
la tête tournée vers des paysages
sans nom rude et sans histoires,
j’aime regarder les feuilles
comme l’eau tombe du ciel
jusqu’aux racines de la terre
Exercice de petite soumission
ou de quasi désobéissance
Mettre un mulet sur orbite
Et attendre qu’il repasse
Epona
il l’avait sur le bout de la langue
le nom de la déesse équine
qui prend soin des toutes petites créatures
de rien du tout comme lui
Bien loin enfoncées dans le noir
des ailes attendent l’envol.
Mais ne sont qu’épis blancs, drus,
côté gauche, à mi encolure.
Le mulet, passé le vertige du paysage
au détour de tant et tant de solitude
dans la courbe ramassée des plaines
fouille et cueille sa faim à l’aube de la terre